Diarrhées de l’enfant : en finir avec le Coca-Cola®, l’eau de riz et les carottes
Résumé par le Dr Isabelle Catala Pour MEDSCAPE
« La diarrhée de l’enfant est l’un des domaines qui véhicule le plus d’idées préconçues y compris chez les médecins », a expliqué le Dr Hélène Chappuy (Urgences pédiatrie, Armand Trousseau, Paris) en préambule de sa communication au congrès Urgences 2018 avant de rappeler les bases de la prise en charge de la diarrhée aiguë de l’enfant.
L’OMS définit la diarrhée aiguë comme l’émission de plus de trois selles liquides par jour pendant moins de 7 jours associée ou non avec des vomissements et de la fièvre. Chaque année, chaque enfant âgé de 0 à 2 ans et vivant sur le territoire français souffrira d’au moins un épisode de diarrhée. En moyenne et en se fondant sur les chiffres de la saison 2009-2010, on peut donc conclure que tous les ans 430 000 enfants ont des diarrhées symptomatiques, dont 181 000 consulteront, 31 000 passeront dans un service d’urgences, 14 200 seront hospitalisés et 6 décèderont de cette affection qui peut a priori semble banale.
Aux urgences
La prise en charge aux urgences de la diarrhée de l’enfant doit se dérouler en trois étapes essentielles : l’évaluation du degré de déshydratation, la réhydratation et la ré-alimentation.
La première étape, à l’admission d’un enfant souffrant de diarrhée, reste la pesée et l’analyse des variations de poids par rapport à la courbe propre de l’enfant. S’il existe une déshydratation, son degré doit être apprécié par l’analyse des constantes vitales : fréquence cardiaque (130 en moyenne jusqu’à 2 ans) et pression artérielle (80 de PA systolique jusqu’à un an). Chez les enfants souffrant de diarrhées, la recherche du troisième secteur est essentielle car une évacuation rapide peut être à l’origine d’une décompensation. Le risque reste le choc hypovolémique qui associe une tachycardie, une mauvaise perfusion cutanée (temps de recoloration allongé, extrémités froides, pâleur, marbrures), une pression artérielle pincée puis diminuée voire des troubles de la conscience.
Examens complémentaires ?
Dans la majorité des cas, aucun examen complémentaire n’est nécessaire. L’ionogramme sanguin est prescrit en cas de discordance entre l’histoire et la clinique et avant une réhydratation par voie IV. La glycémie est utile en cas d’intolérance alimentaire totale, de diarrhée profuse du nourrisson ou en cas de suspicion de diabète. Enfin, CRP, PCT et NFS ne sont utiles que si l’enfant est septique ou que l’on suspecte un syndrome hémolytique et urémique.
La surveillance de la réhydratation est effectuée dans des services d’hospitalisation de courte durée sauf chez les enfants de moins de 4 mois, ceux qui ont présenté un retard de croissance intra-utérin, les enfants dénutris ou présentant des pathologies chroniques ou en cas de contexte psycho-social défavorisé.
CRP, PCT et NFS ne sont utiles que si l’enfant est septique ou que l’on suspecte un syndrome hémolytique et urémique.
Faut-il placer une sonde naso-gastrique ?
Lorsque la réhydratation per os est impossible, en cas de signes cliniques de déshydratation modérée ou éventuellement en cas de déshydratation sévère sans signes de choc ni de troubles de la conscience, la pose d’une sonde naso-gastrique est indispensable. Elle permet de réhydrater avec un SRO ingéré de façon constante et rapide. « Différents protocoles existent, on peut par exemple proposer un volume de 15 mL/kg/h (avec un maximum de 400 mL/h) pendant 4 heures avec une dose de charge pour les cas les plus sévères (15 mL/kg en 30 minutes). Pendant les quelques heures qui suivent, la quantité de liquide doit correspondre aux apports de base avec une compensation des pertes. Si cette voie de réhydratation est un échec, il faut savoir passer à la voie intraveineuse », considère le Dr Chappuy.
La voie intraveineuse / intra-osseuse
Chez les enfants sévèrement déshydratés, ceux qui présentent une intolérance digestive totale et en cas d’échec de la réhydratation orale ou par sonde naso-gastrique, une voie d’abord périphérique doit être mise en place.
La voie intra-osseuse doit être réservée aux échecs de l’abord périphérique et aux chocs décompensés.
En l’absence de choc, le soluté le moins hypotonique possible doit être préféré (soluté de type B26 avec un ajout de 1 g de NaCl par L). Initialement, le débit doit être proche de 10 mL/kg/h pendant 4 h avec un maximum de 500 mL/h. Les dosages sont adaptés en se fondant sur l’analyse de la natrémie. Après les premières 4 heures, le volume doit correspondre aux apports de base journaliers avec une supplémentation de 10 à 30 mL/kg/j.
En cas de choc compensé ou non, l’apport en sérum physiologique doit être initialement de 20 mL/kg sur 10 à 20 minutes puis de 60 mL/kg/h. Ce traitement doit être associé à un monitoring de la fréquence cardiaque et de la tension artérielle et de la mise en place d’une poche de recueil des urines.
Réalimenter précocement
La réalimentation précoce (4 h après le début du traitement per os ou intraveineux) est l’un des piliers du traitement de la réhydratation. « Là encore, dans ce domaine, des « légendes » persistent : l’eau de riz, les carottes ou le « sans-produits-laitiers » doivent être proscrits en faveur d’un régime habituel. L’allaitement maternel peut aussi être poursuivi. Le but de cette réalimentation est d’éviter la dénutrition » insiste le Dr Chappuy.
« Les médicaments de la diarrhée ont, en fait, très peu d’indications. Les antiémétiques sont peu efficaces et induisent des effets indésirables. Les ralentisseurs du transit n’ont pas d’AMM avant 3 ans. Enfin, les probiotiques et le racécadotril gardent une efficacité modeste ».