Douleur thoracique chez l’enfant : quels examens envisager avant d’écarter une cause cardiaque ?
Analyse par Vincent Richeux, pour MEDSCAPE
Les pathologies cardiaques sont rarement en cause dans les douleurs thoraciques survenant chez l’enfant. Le Dr Claire De Jorna (CHR de Lille) a apporté un éclairage sur cette situation très spécifique.
Les douleurs thoraciques de l’enfant sont un motif de consultation récurrent, source d’inquiétudes, voire d’angoisse pour les parents. Du côté des praticiens, après de multiples consultations de ce type, au final sans gravité, « il y a toujours cette crainte de passer un jour à côté d’un motif de prise en charge en urgence », a commenté la pédiatre.
Les troubles musculo-squelettiques majoritaires
Contrairement à l’adulte, les douleurs thoraciques de l’enfant sont rarement d’origine cardiaque. Cette étiologie se retrouve dans 0,6 à 1% des cas. Si l’origine reste indéterminée dans un tiers des cas, les troubles musculo-squelettiques sont impliqués dans plus de la moitié des douleurs. Viennent ensuite les troubles pulmonaires (7%), digestifs (3%) ou une cause psychologique (1%).
Concernant les pathologies cardiaques, une récente étude a apporté davantage de précisions. Sur 1% de douleurs thoraciques d’origine cardiaque recensées chez l’enfant (n=37), on a essentiellement diagnostiqué des troubles du rythme supra-ventriculaire (n=16), des péricardites (n=10) ou des anomalies de l’artère coronaire (n=3).
Selon le Dr De Jorna, il faut rester vigilant en présence de certains facteurs de risque, comme des antécédents de coagulopathie, de vascularite ou de pathologie néoplasique cardiaque chez l’enfant. « Il faut également toujours interroger sur l’existence d’éventuels antécédents familiaux d’arythmie ou de mort inexpliquée chez les sujets jeunes. »
Par ailleurs, la cause cardiaque doit être systématiquement recherchée « en cas de douleurs thoraciques associées à de la fièvre, des palpitations, une syncope, une dyspnée, une toux ou une cyanose ». Des douleurs à l’effort, permanente ou irradiante sont également des signes d’alerte.
« Il y a toujours cette crainte de passer un jour à côté d’un motif de prise en charge en urgence. » Dr Claire De Jorna
FC4P et FTVO en priorité
L’examen clinique repose sur une évaluation de l’état circulatoire, en mesurant les cinq paramètres FC4P : fréquence cardiaque, pression artérielle, perception des pouls (comparaison des pouls centraux et périphériques), perfusion périphérique (cutanée et rénale) et précharge circulatoire (turgescence des veines jugulaire, palpation du foie.).
La fonction respiratoire doit également être évaluée, cette fois à travers les quatre paramètres du FTVO : fréquence respiratoire, travail respiratoire (présence de mouvements anormaux, évaluation des bruits accessoires…), volume courant et oxygénation (présence ou non de cyanose centrale, oxymétrie de pouls). En cas d’anomalie dans ces examens et de suspicion de cause cardiologique, l’électrocardiogramme apparaît incontournable. En revanche, le recours à une radiographie du thorax ne doit pas être systématique. Au centre hospitalier de Lille, « cet examen est utilisé en cas de tachycardie, de polypnée, de fièvre ou de douleur thoracique persistante ».
Le dosage de la troponine peut être effectué en deuxième intention, précise la pédiatre. Selon une étude portant sur l’usage de la troponine comme biomarqueurs aux urgences, seuls 4% des enfants admis pour une douleur thoracique et ayant eu cet examen ont présenté une hausse du niveau de troponine.
Le recours à une radiographie du thorax ne doit pas être systématique.
La troponine peu adaptée
« L’infarctus du myocarde étant extrêmement rare chez l’enfant, les principales causes d’augmentation de troponine en pédiatrie sont la myocardite et la péricardite ». Dans cette étude, « les chercheurs montrent que lorsque l’ECG est normal et que l’enfant ne présente pas de fièvre, la troponine apparait normale dans 99% des cas ».
Intervenant à la fin de la présentation, le Dr Hélène Chappuy (Hôpital Armand-Trousseau, AP-HP, Paris), modératrice de la session, a rappelé que les résultats du dosage de la troponine restent difficiles à interpréter chez l’enfant, surtout en présence de fièvre. « En dehors de quelques rares exceptions, il n’y a pas besoin de doser la troponine en pédiatrie », estime-t-elle.
Si le dosage révèle une hausse de la troponine, l’échographie peut être envisagée. Là encore, cet examen semble être utilisé de manière trop systématique. Une étude américaine montre que l’échographie cardiaque est utilisée en pédiatrie dans 38% des cas de douleurs thoraciques. Or, seuls 0,8% des examens présentaient une anomalie en lien avec les douleurs.
« En l’absence de signes d’alerte après examen clinique, ECG ou radio du thorax, il faut savoir stopper les examens », estime le Dr De Jorna. En contrepartie, « il est important de donner des consignes aux parents pour les inviter à consulter à nouveau, par exemple en cas de fièvre, de dégradation de l’état général ou de douleur accentuée ».
Pour le Dr Hélène Chappuy, en dehors de quelques rares exceptions, il n’y a pas besoin de doser la troponine en pédiatrie.
L’anxiété souvent en cause ?
Pour orienter la prise en charge de la douleur thoracique en pédiatrie, la Société française de pédiatrie a publié un arbre décisionnel, consultable dans sa rubrique « Pas à Pas ». Celui-ci reprend les étapes essentielles à respecter et précise les examens à mener, en se basant sur les différentes situations cliniques.
Cet arbre décisionnel aborde également les caractéristiques des causes non cardiaques des douleurs thoraciques. S’agissant des troubles musculo-squelettiques, « la douleur est souvent localisée et se manifeste à nouveau à la palpation », précise le Dr De Jorna. Elle peut aussi être associée à des signes d’inflammation.
Les causes de ces troubles sont identiques à celles observées chez l’adulte. « Il peut s’agir de douleurs musculaires, intercostales, d’origine traumatique ou liée, par exemple, à un syndrome de Tietze », une forme rare caractérisée par un gonflement douloureux des articulations connectées au sternum. En l’absence de signes d’alerte après examen clinique, ECG ou radio du thorax, il faut savoir stopper les examens Dr De Jorna.
Dans le cas des troubles d’origine pulmonaire, « les douleurs peuvent être provoquées par une crise d’asthme, un pneumothorax ou une pleurésie », qui se traduit par des douleurs intenses au niveau de la poitrine. « Toute anomalie de la fréquence respiratoire ou de l’oxygénation doit orienter vers une cause pulmonaire ».
S’agissant des douleurs thoraciques induites par des troubles digestifs, les causes sont également les mêmes que celles observées chez l’adulte. « On retrouve la pancréatite, la cholécystite, l’ulcère gastrique ou l’œsophagite ». Le diagnostic s’appuie sur l’interrogatoire, « qui permet ensuite de choisir les examens complémentaires ».
L’anxiété peut aussi être en cause dans l’apparition des douleurs et expliquer, en partie, celles ayant une origine indéterminée. « Dans ce cas, les douleurs ont la particularité d’être uniquement diurne. Elles sont aussi intermittentes et récidivantes et se manifestent de manière chronique ».