Attentats de Paris, 13-14 novembre 2015

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Le 24 novembre, le Lancet a publié un article écrit par certains de ceux qui ont œuvré au plus près des victimes, tant sur les sites des fusillades qu’à l’hôpital par la suite (1). Cette courte analyse se veut être un hommage à leur implication et à la qualité de leur travail. Aucun des intervenants médicaux, même les plus aguerris, n’était habitué à de telles scènes d’horreur. Ils ont assumé avec beaucoup de professionnalisme, mais aucun n’en est sorti indemne.

 

Rappel des faits
A 21h30, le vendredi 13 novembre, l’Assistance Publique des Hôpitaux de Paris (APHP) est alertée d’une série d’explosions au Stade de France, au Nord de Paris. Vingt minutes plus tard sont signalés, en quatre points différents de la capitale, des coups de feu avec de nombreux blessés. Enfin, peu après, une prise d’otages avec là encore de nombreux blessés est annoncée dans une célèbre salle de spectacle, le Bataclan.

La réaction médicale
Le SAMU (service d’aide médicale d’urgence) de Paris, prenant rapidement la mesure de la gravité de la situation, en accord avec la Direction des Hôpitaux de Paris, déclenche le Plan Blanc. La Brigade des Sapeurs Pompiers de Paris déclenche le plan Rouge alpha. La cellule de crise de l’APHP est mise en place. Elle a la capacité d’activer 40 hôpitaux, pour un total de 22 000 lits et 200 blocs opératoires. La précocité de mise en œuvre du Plan Blanc (22h34) sera la clé de la réussite des opérations médicales d’urgence. L’afflux soudain des blessés après l’assaut des forces de l’ordre sur le Bataclan, qui a seul permis aux secours d’intervenir en relative sécurité, aurait pu faire craindre une saturation de l’accueil et du traitement hospitalier de ces blessés. Il n’en a rien été. Les 302 blessés, dont 76 classés « urgence vitale » ont été pris en charge par les 15 hôpitaux de la capitale, si ce n’est dans le calme, tout au moins avec l’efficacité nécessitée par leur état. Aucun délai préjudiciable de transport n’a été noté et cela pour toutes les victimes. Des ressources supplémentaires étaient disponibles, notamment au niveau des hôpitaux périphériques et dix hélicoptères avaient été mobilisés pour transférer rapidement des blessés vers ces hôpitaux. Ce ne fut pas nécessaire. D’éventuelles « répliques » d’attentats n’auraient pas débordé les secours médicaux et un deuxième cercle d’hôpitaux et de soignants était prêt à intervenir.
Dans le même temps, le soutien psychologique, tant des victimes que des sauveteurs, était organisé. Pour cela, 35 spécialistes étaient mobilisés. Le centre de soutien fut positionné à l’hôpital le plus au centre de Paris : l’Hôtel Dieu.
Qu’il soit permis de souligner la généreuse et citoyenne réaction des taxis Uber (si décriés par ailleurs) qui ont spontanément transporté nombre de victimes et d’impliqués.

L’analyse des urgentistes
Le triage et les soins préhospitaliers étaient placés sous la responsabilité du SAMU de Paris. Les moyens de secours et de soins médicaux de la Brigade des Sapeurs Pompiers de Paris furent conjointement engagés. Au total, 45 unités mobiles médicalisées furent déployées sur les 6 sites d’attentats, alors que 15 restaient en réserve.
La majorité des lésions concernaient des plaies par balle. A l’expérience des soins apportés aux blessés sur les conflits armés, la prise en charge préhospitalière fut du type « damage control ». La priorité était d’amener au plus vite les blessés hémorragiques au bloc opératoire pour réalisation de l’hémostase salvatrice.
En pratique, lorsque nécessaire, des garrots étaient appliqués. Le principe d’un transport en hypotension permissive, avec une pression artérielle moyenne de 60 mmHg, fut la règle. Par ailleurs, et au cas par cas, des vasoconstricteurs et de l’acide tranexamique furent administrés. La prévention de toute hypothermie était soigneusement appliquée par toutes les équipes.
A l’évidence, les nombreux exercices réalisés depuis des années avec tous les services impliqués et le choix réfléchi de protocoles de « damage control » ont permis de sauver de nombreuses victimes. Malgré le nombre élevé de blessés, plus de 300, aucune rupture dans la chaîne de soins n’a été déplorée.

Le travail des urgentistes et anesthésistes hospitaliers
L’hôpital de la Pitié Salpêtrière, par exemple, fut à même de mettre très rapidement en fonction 10 blocs opératoires. Même si les plaies pénétrantes sont peu nombreuses sur Paris, l’expérience acquise au cours des dernières années fut optimisée. Chaque « urgence absolue » était prise en charge par une équipe dédiée composée d’un chirurgien, d’un anesthésiste, d’un interne et d’une infirmière. La décision était alors prise de la suite à donner, CT scanner ou bloc opératoire. Il faut souligner l’élément clé que fut la mobilisation spontanée de tous les personnels médicaux non de garde, y compris de certains retraités ou médecins libéraux. En 24 heures, toutes les victimes avaient été traitées et l’hôpital prêt à assumer un nouvel événement.
A la réflexion, les seuls personnels qui ont vraiment manqué furent les aides soignants. (Les docteurs ne font pas tout !)

Le point de vue des chirurgiens
Pour eux, la « formule gagnante » fut l’engagement exceptionnel des personnels, à tous les niveaux, mais aussi la mise en place immédiate d’un triage performant des victimes. La jeunesse des victimes, moins de 40 ans, fut aussi un facteur favorable de survie aux lésions « de guerre ». Les fractures des membres furent traitées, la plupart du temps, par fixateur externe. Au bloc opératoire lui même, le « stress test » imposé par l’événement fit que chacun donna le meilleur de lui-même.

Conclusion
La complexité du tissu hospitalier parisien pouvait être considérée comme un obstacle à une mise en commun des ressources. En fait, il n’en fut rien et l’implication de l’administration hospitalière comme des soignants a permis de mettre sans délai tous les plateaux techniques en action comme s’il s’agissait d’une seule et même unité. Seuls 4 décès (1%) furent à déplorer parmi les 302 blessés pris en charge. De nombreux témoignages venant du monde entier sont venus dire l’émotion partagée, mais aussi la reconnaissance d’un travail exceptionnel réalisé par les intervenants médicaux. Hasard exceptionnel mais qui a contribué au bon déroulement des opérations, un exercice « attentats » avec nombreuses victimes était organisé le matin même de ce jour funeste. Ceci explique aussi que certains hôpitaux alertés dans la nuit eurent pour premier réflexe de dire « vous nous avez déjà fait le coup ce matin ». La question reste posée du même type d’événement dans une ville moins dotée en blocs opératoires rapidement disponibles.

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(1) The medical response to multisite terrorist attacks in Paris. Matin Hirsch, Pierre Carli, Rémy Nizard, Bruno Riou, et al.