Edito
A force de mettre de l’ordre dans les idées, on n’a plus de bonnes idées.
C’est ce que l’on peut penser en lisant quelques nouveaux philosophes, regroupés sous le terme de «les réalistes». Partant de l’idée que le réel peut survivre à l’humanité, ils dénient à l’humanité la possibilité de penser le réel dans sa totalité. Autrement dit, à vouloir tracer les limites de la connaissance, ils perdent de fait contact avec le réel. A prôner l’émancipation métaphysique pour établir une relation du cerveau au monde, ils nient la possibilité pour les neurosciences d’expliquer les conditions de la pensée. Qu’il soit permis aux soignants pragmatiques de garder référence à la pensée d’Emmanuel Kant définissant le savoir comme une relation simple et réelle entre l’objet et celui qui l’observe. Pour ce philosophe de la fin du XVIIIème siècle, la connaissance suit l’expérience, elle-même précédée de l’indispensable observation. Pour lui, la raison pure se doit d’être pratique.
C’est ce raisonnement philosophique qui conduit les meilleurs d’entre nous à observer la mécanique humaine (la physiologie), puis ses dérèglements (les pathologies) et à, enfin, concevoir les dispositifs correcteurs (la thérapeutique, médicamenteuse ou technologique). Si le Dr Georges Boussignac a pu, le premier, matérialiser un dispositif permettant de maintenir un flot circulatoire continu lors de la prise en charge d’un arrêt cardiaque par des compressions thoraciques, c’est qu’il s’appuie sur de solides connaissances de la physiologie respiratoire et circulatoire. Son idée lumineuse d’une valve virtuelle placée au niveau des voies aériennes et réglant «physiologiquement» des modifications de pression intra-thoraciques, fonctionne parce qu’elle est simple. Et elle est simple parce qu’elle lie le savoir à l’observation. Alors, la b-card (Boussignac Cardiac arrest resuscitation device) une expression de la pensée kantienne ? Sans doute, au même titre que la plupart des applications médicales pratiques.
PS : Dans la rubrique «Arrêt Cardiaque» de ce numéro, vous noterez que les dernières Recommandations Internationales valident la pratique de compressions thoraciques continues associées à une oxygénation passive délivrée à l’aide de la sonde d’intubation spécifique de Georges Boussignac. Cette avancée majeure dans les pratiques valide, de fait, l’usage de la b-card, qui a la même fonctionnalité que le tube spécifique RCP. Cette juste reconnaissance confirme la justesse des idées de notre confrère.
Dr Jean-Claude Deslandes
Rédacteur en chef