Grands témoins
Interview du Docteur Georges Boussignac
Le Dr Georges Boussignac, anesthésiste-réanimateur, élève du Pr Pierre Hugenard du CHU de Créteil, a toute sa vie lié son activité clinique à sa passion de la recherche médicale. Son génie inventif l’a amené à proposer de nombreuses solutions innovantes. Son nom est ainsi associé à des dispositifs médicaux utilisés dans le monde entier.
e-triage : Docteur Boussignac, nous vous devons une CPAP, utilisée dans le monde entier, pour traiter en urgence les œdèmes aigus pulmonaires. Vous proposez, maintenant, au monde de l’urgence un nouveau dispositif, que l’on peut qualifier de révolutionnaire, et est destiné à prendre en charge de façon plus efficace les arrêts cardiaques : la b-card, pour « Boussignac- cardiac arrest resuscitation device ». N’aviez-vous pas, déjà, proposé une sonde d’intubation trachéale spécifique? Pourquoi ce nouveau dispositif ?
Dr Georges Boussignac : Effectivement, j’avais mis au point, avec Vygon, voici une dizaine d’années, une sonde d’intubation spécifique permettant de réaliser des insufflations continues lors des compressions thoraciques. Sa dénomination était : sonde RCP Boussignac .
Ce nouveau dispositif a été créé car la sonde RCP ne pouvait pas être utilisée par des gens non entraînés à l’intubation endotrachéale (secouristes, pompiers non médecins). La b-card a l’avantage de pouvoir être connectée sur un masque facial ou sur un masque laryngé. Ainsi, les secouristes peuvent pratiquer immédiatement une insufflation continue (oxygénation passive) tout en réalisant des compressions thoraciques continues et ainsi espérer donner un peu plus de chance de survie aux victimes de l’arrêt cardiaque.
e-triage : Quel est le principe de fonctionnement de la B-card ?
G.B. : Il est le même que la sonde RCP qui a montré dans les études animales, une meilleure survie par rapport aux systèmes classiques de compressions thoraciques et ventilation alternées. Dans les études humaines, il ressort une efficacité au moins identique aux systèmes classiques avec une simplification de prise en charge de l’arrêt cardiaque. De nombreux cas cliniques de massages continus avec insufflation continue ont été publiés, avec une survie sans séquelles ni cérébrale ni pulmonaire.
e-triage : Si nous comprenons bien, chaque compression assure une ventilation, autrement dit génère un volume courant. De quelle valeur environ ?
G.B. : Oui, chaque compression et décompression assure une ventilation avec un volume courant variable en fonction des caractéristiques physiques des victimes, se situant entre 250 et 500ml.
e-triage : Avez-vous pu prouver qu’il existe une pression négative à la décompression ? Quel effet cela a-t-il sur l’hémodynamique ?
G.B. : La première étude sur les animaux a montré une pression œsophagienne qui était positive à la compression et négative à la décompression.
L’insufflation continue de l’oxygène dans le dispositif b-card exerce une contre-pression à la sortie de l’air thoracique lors des compressions. Cette contre-pression permet une meilleure transmission de l’énergie du massage cardiaque sur les vaisseaux et ainsi améliore une éjection sanguine globale à l’extérieur de la cage thoracique.
L’existence de pressions négatives intra-thoraciques pendant la décompression permet d’améliorer le retour veineux dans la cavité thoracique. Nous avons pu prouver l’existence de cette pression négative au laboratoire de physiologie pulmonaire du Pr Jaber, de Montpellier.
e-triage : b-card correspondrait, donc, aux dernières recommandations internationales préconisant de réaliser des compressions continues associées à une oxygénation passive ?
G.B. : Oui car effectivement la b-card permet une insufflation continue (oxygénation passive), ce qui est prévu dans les recommandations 2015 de « l’American Heart Association », sans interruption des compressions thoraciques et assure conjointement une ventilation alvéolaire satisfaisante. De nombreux travaux, notamment ceux de Bobrow et Ewy (Tucson, Arizona) ont démontré l’intérêt qu’il y avait à ne pas interrompre les compressions thoraciques. L’oxygénation passive concomitante en renforce cliniquement l’effet.
Par ailleurs, la b-card a pour spécificité d’éviter tout collapsus alvéolaire et permet de préserver la capacité fonctionnelle résiduelle et ainsi d’améliorer l’échange alvéolaire et la circulation péri-alvéolaire.
e-triage : Peut-on contrôler l’EtCO2 ?
G.B. : Oui. Il faut placer le capnographe entre la b-card et le masque facial ou entre la b-card et le dispositif supra-glottique choisi ou encore entre la b-card et une sonde endotrachéale classique. Plus simplement, je dirais qu’il faut placer le dispositif de mesure de l’EtCO2 entre l’interface patient et la b-card.
e-triage : Ce dispositif paraît tout à fait adapté aux premiers intervenants professionnels que sont les pompiers ou les secouristes. Comment les médecins de l’urgence peuvent-ils l’intégrer dans leurs protocoles ?
G.B. : Lorsqu’ils arrivent sur une intervention pour arrêt cardiaque et supposons que des pompiers aient déjà initié une insufflation continue avec b-card et masque facial, les médecins ont le choix. Ils peuvent laisser poursuivre la RCP telle que débutée ou placer une sonde RCP Boussignac telle qu’utilisée par de nombreuses équipes. Ils peuvent, encore, utiliser une sonde d’intubation trachéale classique et connecter la b-card, utilisée par les pompiers, sur cette sonde, pour rester en insufflation continue, tout en préservant les voies aériennes. Quel que soit leur choix, le principe de l’insufflation continue sera bénéfique pour le patient, nous en sommes persuadés et nous lui rajoutons de meilleurs échanges gazeux.
Une RCP simplifée et efficace