Edito
Quand on est bienfaisant envers soi-même, on est utile aux autres en ceci qu’on se met en état de leur être utile
Sénèque*
Quel message veut nous transmettre le philosophe stoïcien du 1er siècle après JC ? Il était adepte de la maîtrise de soi par la raison, et surtout la cura, ou conscience attentive de ce qui nous entoure. Sénèque a conceptualisé ce qui deviendra la pensée occidentale. Il touche au plus près de l’humain, et dans la sentence ici exprimée, il nous recommande de penser à nous d’abord pour mieux penser aux autres. Les soignants, et en particulier ceux de l’urgence, devraient trouver là matière à réflexion positive, comme il sied de dire dans notre temps. L’urgentiste épuisé de trop de gardes, et qui, dans un cercle vicieux bien habituel, néglige son repos, son corps et toute hygiène de vie, ne saurait avoir la juste mesure des actions qu’il doit mener lorsqu’une situation urgente le nécessite. «Commence déjà à être l’ami de toi-même », nous recommande plus loin Sénèque. Si, comme il le professait « Il faut connaître le point faible de celui qui est vulnérable pour le protéger davantage », ce ne sera efficacement possible que si auparavant nous nous mettons dans un état stable, solide et apaisé permettant de donner le meilleur de nous-même. Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons séparer les choses du bruit qu’elles font, et le grave du moins grave, et l’apparent et le profond. S’il est dit que tout art est une imitation de la nature, l’art médical, plus que tout autre doit rester naturel. Cette vertu de l’examen clinique calme et soigneux que nous enseignait jadis nos Maîtres en un temps où mesure automatique des constantes vitales et autres examens complémentaires n’existaient pas, porte en elle-même la juste mesure des choses. Nos patients ne nous demandent rien de plus, mais rien de moins.
Prenons donc soin de nous pour mieux prendre soin des autres.
* Sénèque (4 AJC / 65 PJC) fut un élève de pythagoriciens avant d’embrasser une carrière tout à la fois philosophique et politique en conseillant les puissants de son temps. Il fut précepteur de Néron, avant d’être discrédité et poussé au suicide, pour lui avoir certainement par trop professé certains préceptes de vertu.
Jean-Claude Deslandes
Rédacteur en chef