Ils ont fait l’histoire

Le Dr Giuseppe Savary-Borioli, est un des praticiens qui a le plus marqué l’histoire récente de la médecine d’urgence suisse.

Le médecin soigne, la nature guérit.
Dr Giuseppe Savary-Borioli

Fils de médecin, il naît en 1952 près de St Gall et apprend la médecine à Zurich, faculté dans laquelle il sera diplômé en 1978. Curieux et enthousiasmé par son métier, il se forme à diverses spécialités, dont la chirurgie. La médecine d’urgence l’attire et il part se former à Amiens auprès du Pr Bernard Nimitz. Il diversifie son approche de la spécialité en se rendant en Amérique du Nord pour valider plusieurs formations innovantes, encore peu usitée en Europe : ACLS, ATLS, entre autres. Médecin suisse et urgentiste, il ne pouvait manquer d’être attiré par le secours héliporté et après s’être formé à cette pratique, prend des gardes à la REGA. De 1982 à 1983, il est interne en réanimation dans le service de l’hôpital de Locarno, tout en continuant de prendre des gardes à la REGA. Il publie alors plusieurs articles, notamment sur le tétanos grave.


Homme de la forêt, de la montagne et des espaces sauvages, comme il se définit lui-même, il décide de s’installer à Russo, tout petit village dans une vallée isolée, celle d’Onsernone. Le besoin y est grand d’une médecine générale dans tous les sens du terme. Pathologies médicales, traumatologie, accouchements, accidents de montagne, « Beppe » assure tous les soins, à pied souvent dans les chemins escarpés, son cardioscope à l’épaule, ou en hélicoptère. Son engagement et sa réputation de médecin au grand cœur assurant tous les besoins médicaux de sa région, lui valent le respect de ses confrères. Il sera élu à l’unanimité Président de la Société Suisse de Médecine d’Urgence et de Sauvetage. Chacune de ses conférences, pleines d’humour et de sens pratique garantit le succès d’un congrès. Il est venu, à plusieurs reprises, participer aux Journées des Médecins Pompiers Français, beaucoup s’en rappellent encore.
De nombreux confrères ont marqué sa vie professionnelle, mais s’il ne fallait en citer qu’un seul, ce serait le Dr Olivier Möschler, patron des urgences de Lausanne et décédé dans un stupide accident de la route.
Depuis quelques années avec son épouse infirmière, Martine, il s’est engagé dans des missions de vaccination et de formation dans une vallée isolée (encore !) du Népal, ne pouvant être atteinte qu’après une marche à haute altitude d’une semaine. C’est un autre accomplissement qu’il vit là-bas.

Nous sommes allés le rencontrer dans son cher village de Russo, où il peine à se retirer de la vie médicale active.

Dr Deslandes : Mon cher Beppe, l’exemple de ton père a-t-il été déterminant pour toi dans ta carrière ?
Dr Savary-Borioli : Il était médecin généraliste de campagne, dans tous les sens du terme. C’est à dire qu’il a essayé de répondre le plus largement possible aux besoins de la population. Il m’a peut-être médicalement appris plus que la faculté. Il reste pour moi une référence. J’ai essayé, dans mon parcours personnel de suivre son exemple.

Dr D.: La médecine généraliste reste pour toi la plus belle des spécialités. Mais comment l’assumer dans sa totalité?
Dr S-B. : Il faut s’astreindre à une formation continue, d’autant plus importante que l’on est isolé. Il faut savoir acquérir les nouvelles techniques. Nous le devons à nos patients. La notion de triage est fondamentale pour le généraliste. De quoi suis-je capable ? De quels moyens je dispose ? Il n’y a pas besoin d’un équipement extraordinaire mais un minimum est nécessaire. Les clichés de Rx ou les ECG que nous réalisons dans nos Centres de Santé Isolés sont très utiles.

Dr D. : Quelques mots sur le secours héliporté. Quelle est sa place dans le secours ? Quelle est la machine idéale ?
Dr S-B. : En Suisse, la majorité des secours sont terrestres, mais l’hélicoptère reste parfois absolument indispensable. En Suisse, tout citoyen est à 10 minutes maximum d’un hélicoptère. C’est un outil de complément et une juste répartition des machines est essentielle.
La machine idéale doit être assez grande pour travailler mais de dimension réduite pour passer partout. L’avionique est importante pour permettre de voler presque par tous les temps.

Dr D. : Une intervention d’urgence t’a-t-elle particulièrement marqué ?
Dr S-B. : Il me vient immédiatement à l’esprit l’histoire d’un petit enfant de 3 ans, en promenade scolaire, et qui a été écrasé par un camion sans freins. C’était un enfant unique. Aucun geste médical n’était possible, mais la présence du médecin était indispensable à la mère. Nous sommes restés en relation longtemps. Cette triste histoire nous a conduit à travailler sur ce que l’on doit faire et dire lorsque un petit enfant meurt, surtout de façon aussi absurde. Le tabou est encore très fort.

Dr D. : Plusieurs modèles d’urgence se dessinent entre la pratique para-médicalisée anglo-saxonne et la médicalisation préhospitalière que tu as beaucoup pratiquée. Quelle approche te semble la plus pertinente ?
Dr S-B. : Le système mixte me semble la bonne approche de l’idéal. Un médecin qualifié reste indispensable. Tout ne peut pas être délégué. Un infirmier anesthésiste est capable de beaucoup de gestes techniques mais, nous l’avons dit pour la mort de l’enfant, le médecin, de par sa fonction a sur les épaules une charge que lui seul peut assumer. Il n’y a pas que la technique dans la médecine. De même, à mon avis un médecin junior doit pouvoir compter sur le soutien d’un senior.

Dr D. : Un message pour nos jeunes confrères ?
Dr. S-B. : Soyez prudents Soyez humbles. Soyez vous-même. Ne jouez pas de rôle. La tenue médicale, blanche ou autre, n’est pas une tenue de sur-homme. La femme et l’homme que vous êtes portent en eux l’essentiel de ce qu’attendent les patients.

Dr D. : Merci Beppe. Bonnes missions au Népal !