Intervention du numéro
Double défibrillation sur fibrillation ventriculaire réfractaire
David Neubert, MD dneubert@tac-med.org
L’histoire clinique
Un jeune homme de 19 ans, consommateur d’héroïne, suit avec succès un traitement de désensibilisation et réhabilitation. Pour fêter son retour, ses amis organisent une fête. Au cours de la soirée, il disparaît et est retrouvé sur les sièges arrières « bleu et froid », différents toxiques près de lui.
Le 911 est alerté. Avant l’arrivée de « Rescue one », un policier passant par là intervient. Il constate l’absence de pouls et de ventilation de la victime, l’extrait du véhicule à l’aide de témoins, indique comment réaliser des compressions thoraciques et court chercher un défibrillateur automatique dans son véhicule. Les électrodes rapidement placées, l’analyse se termine par « pas d’indication de choc ». Le policier continue alors les compressions thoraciques.
Les paramedics arrivent, alternent les compressions avec des séries de 2 ventilations. Un moniteur cardiaque montre que la victime est en asystolie.
Une intubation trachéale est réalisée sans difficulté et la veine jugulaire externe cathétérisée. Un gramme d’épinéphrine est injecté.
Devant la possibilité d’un toxidrome à l’origine de l’arrêt cardiaque, les paramédics administrent 150 meq de bicarbonate et 1 gramme de calcium. Le jeune homme passe en fibrillation ventriculaire. Un choc de 200 Joules rétablit un rythme sinusal mais pour quelques secondes seulement.
La RCP est poursuivie, un deuxième choc 200 Joules rétablit un rythme sinusal. De l’amiodarone est prescrite. Peu après, la victime présente une torsade de pointes (voir figure). Deux grammes de magnésium sont injectés et un choc à 360 Joules administré. Après un court épisode de tachycardie sinusale, le rythme se dégrade en fibrillation. Un nouveau choc à 360 Joules reste inefficace.
Les paramedics demandent alors l’autorisation, compte tenu du jeune âge de la victime, de réaliser une double défibrillation. L’autorisation étant accordée, ils installent un deuxième défibrillateur (voir schéma). Deux chocs de 360 Joules sont délivrés simultanément, après décompte : 1, 2, 3. La conversion en rythme sinusal est immédiate et durable. Le patient est transporté aux urgences. Dans le service, une hypothermie contrôlée est initiée. Après 48 heures, un CT scan montre un œdème cérébral.
Le patient est, peu après, déclaré décédé.
La littérature
En 1986, des cardiologues ont publié dans Journal of American College of Cardiology une étude démontrant la faisabilité de doubles ou triples chocs électriques sur un chien placé en fibrillation ventriculaire. En 1994, est rapportée la pratique, couronnée de succès, de chocs multiples chez l’homme. En 2015, des auteurs rapportent 7 cas de cardioversions réussies mais sans survie.
Commentaire
Deux chocs empruntant deux voies différentes sont électrophysiologiquement logiques en cas de fibrillation réfractaire. La faisabilité préhospitalière reste difficile. Cette technique de « dernière chance » paraît ne pas devoir être négligée.
Références
1. Chang MS, et al. Double and triple sequential shocs reduce ventricular defibrillation treshold in dogs. J Am Coll Cardiol. 1986 ; 8 (1393-1405.
2. Hoch, DH, et al. Double sequential external shocks for refractory ventricular fibrilaltion. J Am Coll Cardiol. 1994 ; 23 (5) : 1141-1145.
3. Cabanas, JG, et al. Double sequential external defibrillation in out-of-hospital refractory ventricular fibrillation : A report of 10 cases. Prehosp Emerg Care. 2015 ; 19 (1) : 126-130.
Article paru dans : JEMS. Vol. 41. N°5.