Edito

Si la démarche qualité avait été appliquée à la musique, le jazz n‘aurait jamais été inventé.
Frank Barrett

En médecine, la démarche qualité a pour mantra l’evidence based medecine. C’est une méthodologie de raisonnement permettant de réduire les aléas thérapeutiques en s’appuyant sur des preuves scientifiques validées par la communauté médicale. Proposée au début des années quatre-vingt par des épidémiologistes canadiens, elle est devenue le garant des bonnes pratiques. Elle protège le praticien et permet d’assurer au patient la meilleure solution de traitement pour ce dont il souffre, compte tenu des acquis actuels de la science.
Mais, si ce raisonnement conduit le praticien à proposer la solution thérapeutique la plus appropriée à la pathologie présente, il n’a de pertinence que s’il suit une première approche que nous qualifierons étymologiquement d’intelligente (du latin intelligere*), c’est à dire sachant discerner (legere) entre (inter) plusieurs signaux. Ces signaux sont parfois sans lien évident mais il convient de les relier avec discernement et de se méfier de ce qui paraît trop évident ou trop simple.
Ainsi, pour les grecs, l’approche médicale d’un patient consiste à mettre côte à côte (para) des signes (eidos) dissociés. Nous parlons là de paréidolie. Notre cerveau raisonnant doit savoir associer des stimuli divers pour, en les associant, leur donner un sens (le bon), donc établir un diagnostic (le bon). Ce terme de diagnostic signifie lui même, si on veut bien l’analyser, la connaissance à partir d’éléments séparés. Le diagnostic médical est bien une construction mentale qui est raisonnée, car réfléchie et élitiste, car nécessitant connaissance et expérience.
Nous voyons bien là que notre façon de soigner moderne (par les preuves) ne saurait faire l’économie d’une pensée, d’un raisonnement initial et que d’aucun ont appelé un art.
La solution thérapeutique, le diagnostic étant posé, pourrait être proposée par un ordinateur, même réduit à la taille d’un téléphone portable. Cet objet est certes doté d’intelligence, mais artificielle. Sachons garder l’outil, pour son côté pratique, mais préservons notre faculté de discernement.

* Emile Littré, Dictionnaire. Librairie Hachette. 1874. Tome troisième. Page 125. Colonne III.

Jean-Claude Deslandes
Rédacteur en Chef