CAEP, Canadian Association of Emergency Physicians
Recommandations de la Société Canadienne de Médecine d’UrgenceElaboration de ces recommandations
L’Association canadienne des médecins d’urgence (ACMU) a créé un groupe d’experts et lui a confié la création d’une liste préliminaire de tests, d’interventions et de traitements potentiellement sur-utilisés en médecine d’urgence et qui n’améliorent pas les soins. La liste a été soumise aux présidents des sous-comités de l’ACMU, qui ont été invités à formuler des commentaires. Elle a ensuite été envoyée à plus de 100 urgentologues canadiens sélectionnés, auxquels on a demandé de voter sur les différents éléments en fonction des critères suivants : applicabilité (utilité) pour les urgentologues, efficacité, sécurité, fardeau économique et fréquence d’utilisation. Le groupe d’experts de l’ACMU s’est ensuite penché sur les éléments ayant obtenu le plus grand nombre de votes et s’est entendu sur les cinq recommandations à formuler dans le cadre de la campagne « Choisir avec soin ».
Les recommandations
1. Ne prescrivez pas de tomodensitométrie crânienne pour les adultes ou les enfants ayant subi un traumatisme crânien mineur (sauf signes cliniques patents).
On parle de traumatisme crânien mineur chez un adulte en présence des critères suivants : score de Glasgow de 13 à 15, patient de 16 ans ou plus, ne prenant aucun anticoagulant oral, sans trouble de l’hémostase connu ni fracture ouverte du crâne évidente. Chez l’enfant, on parle de traumatisme crânien mineur en présence des critères suivants : blessure subie il y a moins de 24 heures associée à une perte de conscience observée, à une amnésie manifeste, à une désorientation constatée, à des vomissements persistants (plus d’un épisode) ou à une irritabilité persistante (pour les enfants de moins de deux ans), chez un patient présentant un score de Glasgow de 13 à 15.
En faisant passer une tomodensitométrie (TDM) de la tête aux patients qui ne présentent pas de signes ou symptômes de blessures importantes, vous les exposez inutilement à des rayonnements ionisants qui peuvent accroître leur risque de développer un cancer au cours de leur vie. Cette pratique augmente également la durée des séjours et le risque de mauvais diagnostic. Il existe plusieurs études qui indiquent que les médecins ne devraient pas demander de tomodensitométrie de la tête pour les patients ayant subi un traumatisme crânien mineur, mais n’ayant pas connu de perte de conscience, d’amnésie ou de confusion, à moins que des règles de décision clinique validées n’indiquent le contraire (règle canadienne d’utilisation de la TDM de la tête [Canadian CT Head Rule] pour les adultes, règle CATCH ou règle PECARN pour les enfants).
2. Ne prescrivez pas d’antibiotiques aux adultes atteints de bronchite ou d’asthme ou aux enfants atteints de bronchiolite.
On voit souvent à l’urgence des patients en détresse respiratoire présentant des bronchospasmes ou un râle sibilant, à la fois chez les enfants (bronchiolite) et chez les adultes (bronchite ou asthme). La plupart des patients présentant ces symptômes n’ont pas d’infection bactérienne, de sorte qu’une antibiothérapie ne permettrait pas de traiter le problème ou d’influencer l’évolution clinique (ex : hospitalisation). L’administration inappropriée d’antibiotiques peut exposer les patients à des risques inutiles (allergies, éruption cutanée, autres effets secondaires) et entraîner de la diarrhée. Ces prescriptions contribuent également au problème global de l’augmentation de la résistance aux antibiotiques dans la communauté. Des preuves solides issues de la recherche appliquée recommandent aux médecins d’éviter de prescrire des antibiotiques aux enfants (bronchiolite) et aux adultes (bronchite ou asthme) qui présentent un râle sibilant.
3. Ne demandez pas une imagerie de la région lombo-sacrée de la colonne vertébrale pour les patients atteints d’une lombalgie non traumatique qui ne présentent aucun signe d’alerte ou indicateur pathologique.
Il arrive souvent que des adultes se présentent à l’urgence pour des douleurs non spécifiques dans la région lombo-sacrée de la colonne sans lien avec un trauma important (accident de voiture, chute importante, etc.). L’évaluation de ces patients doit comprendre une vérification ciblée et exhaustive des antécédents ainsi qu’un examen physique complet visant à repérer les « signes d’alerte » qui pourraient indiquer une pathologie importante. Ces signes peuvent inclure, notamment : caractéristiques du syndrome de la queue de cheval; perte de poids; antécédents de cancer; fièvre; sueurs nocturnes; utilisation chronique de corticoïdes généraux; utilisation chronique de drogues illicites par voie intraveineuse; premier épisode de lombalgie chez un patient de plus de 50 ans et plus particulièrement de plus de 65 ans; réflexes anormaux; perte de force motrice et perte de sensation dans les jambes. En l’absence de signes d’alerte, les médecins ne devraient pas demander une imagerie radiologique pour les patients se présentant en raison d’une lombalgie non spécifique. L’imagerie de la colonne pour une lombalgie symptomatique n’offre aucun avantage : elle expose inutilement les patients aux rayonnements ionisants, contribue à l’engorgement des hôpitaux et ne permet pas d’améliorer les résultats cliniques.
4. Ne demandez pas de radiographie du cou pour les patients dont le résultat de la règle canadienne concernant la radiographie de la colonne cervicale est négatif.
Les douleurs cervicales résultant d’un trauma (comme une chute ou un accident de voiture) sont un motif courant de visite à l’urgence. Très peu de patients qui se présentent pour cette raison ont toutefois des lésions pouvant être détectées par radiographie. La vérification des antécédents, la réalisation d’un examen physique et l’utilisation de règles de décision clinique (Canadian C-Spine Rule) peuvent permettre de reconnaître les patients alertes et dans un état stable qui ne présentent pas de lésions médullaires cervicales et qui n’ont donc pas besoin de radiographie. La règle canadienne a été validée et mise en œuvre de façon concluante dans divers centres canadiens. Les médecins ne devraient pas faire passer de radiographie, à moins que la règle recommande le contraire. En faisant passer ce test inutilement, vous retardez les soins, risquez d’accroître les douleurs et les résultats indésirables (en raison de l’immobilisation prolongée sur une planche dorsale) et exposez les patients aux rayonnements ionisants sans qu’ils puissent en tirer un quelconque avantage.
5. Ne prescrivez pas d’antibiotiques après avoir drainé un abcès cutané non compliqué, sauf en présence de cellulite étendue.
Un abcès dans une cavité de tissu mou est le plus souvent causé par la bactérie Staphylococcus aureus (sensible ou résistante à la méthicilline). La plupart des abcès non compliqués devraient être percés à l’urgence à la suite d’une analgésie locale ou d’une sédation consciente, puis être drainés complètement et faire l’objet d’un suivi approprié. Des recherches indiquent qu’il n’est habituellement pas nécessaire de faire suivre ces interventions d’une antibiothérapie en cas d’abcès non compliqué. Les médecins ne devraient donc pas prescrire d’antibiotiques dans ces cas, sauf chez les patients immunovulnérables, atteints d’une maladie systémique ou qui présentent une cellulite ou une lymphangite étendue.
Sources
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COMMUNICATIONS MARQUANTES
Mode de transport et survie.
C. Bouse, et al. New Brunswick.
Dans ce travail objectif, les auteurs ont souhaité comparer la survie des patients traumatisés selon qu’ils étaient pris en charge dans le cadre d’un système AEMS (paramedics spécialisés et hélicoptères), comme en Nouvelle Ecosse (251 patients) ou d’un système plus basique comme dans le New Brunswick (101 patients). Aucune différence objective n’a pu être mise en évidence.
NDLR : Le petit nombre de patients ne permet pas d’avancer une conclusion robuste. Par ailleurs, des bénéfices individuels ne peuvent être occultés, ne serait-ce qu’en terme de prise en charge de la douleur.
Prise en charge des états de manque en opioïdes.
K. Medcalf, et al. Toronto.
De cette enquête conduite auprès de médecins d’urgence d’un centre universitaire, il ressort que le mélange buprenorphine/naloxione est efficace pour traiter les états de manque. Cette approche n’est pas académique, mais le fruit de l’expérience.
Nouveaux anti-coagulants oraux et hémorragies intra crâniennes.
K. de Wit, et al. Ontario.
De nombreux anti-coagulants oraux (dabigatran, rivaroxaban, apixaban) sont venus concurrencer les anti vitamines K. Les auteurs ont analysé l’occurrence des risques hémorragiques sur une période de 4 ans. Au total, 2 050 dossiers purent être analysés de patients ayant présenté un saignement intra crânien non post traumatique. Dans 73% des cas, il s’agissait d’un sous-dural ou d’une hémorragie intra cérébrale et 18% (n= 371) prenaient des anti-coagulants. Les nouveaux AC étaient impliqués 20 fois, seulement. Pour les auteurs, ces nouveaux traitements apportent une sécurité indéniable aux patients.
Des paramedics peuvent-ils assurer le transport de patients STEMI à un centre de coronarographie ?
K. Hayman, et al. Londres.
La question posée est de savoir si des non médecins procurent la même sécurité pour des patients STEMI lorsque le transport est > 30 minutes. L’American Heart Association recommande un contact médecin interventionnel dans les 90 minutes. Ce n’est pas toujours possible. Au vu des complications notées lors de la prise en charge de ces patients, le nombre d’effets secondaires n’est pas notablement supérieur lors des transports prolongés. Il n’en reste pas moins qu’une reperfusion précoce (thrombolyse ?) reste souhaitable. Par qui ?